AKET, L'ART ET LA VIE

3VAKET
7 oct.
4 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 2 jours

Amélie Adamo, 2025

Amélie Adamo est critique d'art, commissaire d'expositions et auteure

AKET

L'ART ET LA VIE

C’est avec la liberté de l’autodidacte qu’Aket chemine en terre peinture depuis l’âge de 27 ans. Energique, curieux, il explore avec plaisir et éclectisme l’univers des formes et des couleurs, peu soucieux des catégories et des clivages esthétiques. Bien-sûr, à la base, il y a son rêve de gosse, sa passion pour le dessin et la bande dessinée puis au lycée la découverte du Bboys, la pratique du Dotwork proliférant sur ses carnets qu’il nomme « Black Book » et l’émulation collective grâce à l’expérience du graffiti qu’Aket partage avec d’autres sur les murs de Dunkerque et de Lille. Mais il y a aussi la découverte de l’art moderne et contemporain. Vaste est le musée imaginaire d’Aket, de Pablo Picasso à Georges Condo, de Fernando Botero à Bernard Buffet, de Jean-Michel Basquiat à Robert Combas.

Ce qu’il partage avec ces maîtres ? Une prédilection pour la figure humaine et l’art du portrait, un goût pour l’énergie de la couleur et l’expressivité du dessin, une recherche de simplification et de déconstruction formelle, une liberté créative qui s’autorise toutes les expérimentations techniques, hybridant les styles et les références.

Chroniqueur du quotidien, Aket observe le monde qui l’entoure. Qu’il s’agisse de mots tirés d’une chanson ou d’une expression populaire, d’un souvenir d’enfance, d’un voyage ou d’une simple scène de vie quotidienne, Aket s’inspire de son environnement proche. Des réminiscences de vie qui se télescopent et se greffent à diverses références artistiques : cultivé et populaire, traditionnel et contemporain mêlés.

Ainsi dans ses œuvres vous pourrez croiser la figure tutélaire d’un artiste mort tout autant que celle d’un homme politique bien vivant, vous pourrez rencontrer la figure d’un musicos croisé au bar d’à côté ou celle d’un pêcheur vu sur le port de Dunkerque tout autant qu’un Napoléon à cheval, un Donald Duck cartoonesque ou un Samourai tiré d’une gravure japonaise. Hybride est le style d’Aket.

Et s’il fusionne dans une même œuvre les motifs iconographiques il en fait tout autant avec les écritures. Ici sa pratique peut être « sale », brute, expressionniste, faite au pinceau ou au spray, jouant de lettrages issus du graffiti, d’effets de matière, de coulures, de gouttes, avec une liberté gestuelle et une spontanéité à l’apparence enfantine.

Là, une écriture plus clean, au trait appliqué, à la ligne épurée, aux aplats soignés. Une hybridité qu’Aket tire de sa double expérience du graffiti et de l’art contemporain. Ainsi sa manière de jouer avec les formes géométriques et isométriques, que l’on peut lire comme une forme de néo cubisme, doivent plus encore au lettrage du graffiti et au Bboys, dans leur manière de créer une perspective trois D.

S’il y a dans l’œuvre d’Aket une récurrence des thèmes, comme la figure du clown et du musicien, les animaux, les motifs inspirés de l’univers de Versailles ou du Japon, les scènes de vie, l’artiste se plait à les faire varier, les transformant en prétexte à jouer avec les formes, à faire évoluer son style, à explorer et à mixer les techniques. Il y a de la liberté et du plaisir dans sa pratique, un peu comme un musicien de jazz improvise ou un dj sample du déjà-là pour refaire à sa sauce tout autre chose.

Ainsi Aket aime explorer les possibilités expressives du gris, qui est la base de sa « marque », avec un dosage maitrisé des couleurs, juste ce qu’il faut, comme dans ses portraits de Clown dont les visages en grisailles sont réhaussés de fond coloré très vif ou comme dans ses œuvres où l’intensité du bleu s’invite, en multiples variations. Parfois le gris se trouve mixé avec une plus grande complexité, comme en témoigne les compositions en « vitraux » où Aket diversifie significativement sa palette, trouvant de riches résonances.

Qu’il s’agisse des scènes de vie ou des représentations d’animaux et d’Aficionados, Aket prend plaisir à fouiller la complexité des compositions où les figures et les fonds, les décors, les objets et les paysages s’imbriquent, s’entrechoquent ou fusionnent, dans des rythmes et des mouvements tantôt fluides tantôt plus agressifs.

Un dynamisme et une complexité des compositions qu’Aket a fait récemment évoluer, tantôt en associant plusieurs toiles dans un format monumental aux multiples harmonies colorées, tantôt en poussant sa pratique du 3D sur toile vers l’usage d’éléments en bois, créant du volume et donnant à la peinture un aspect plus sculptural.

Par ce style hybride, par ce jeu avec les formes géométriques qui fragmentent l’image, par cette expressivité des couleurs, par ce dynamisme et enchevêtrements des compositions, l’univers d’Aket donne à sentir une vision critique et poétique de la société et des rapports humains. Entre humour, ironie et poésie, cette vision fragmentaire et morcelée sait capter la folie du flux illimité et la découpe agressive du monde actuel : capitalisme sauvage, pollution, guerre, consumérisme, oppression, solitude et tout ce qui aliène, violente l’individu aujourd’hui.

Mais cette vision, dans ses lignes courbes et ses vibrations de couleurs, donne aussi à sentir le flot tranquille de la vie quotidienne, la douceur des petites choses que l’humanité partage, le souffle créatif de l’amour, de l’art, de la musique. Comme un trait d’union tracé à la bombe sur les murs des cités, acte gratuit, spontané, libre, ce souffle est une énergie vitale qui relie les hommes entre eux.

AMÉLIE ADAMO

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